jeudi 14 juin 2007

Téléchargement de musique gratuite : Airtist

C'est la grande interrogation du moment. Comment lutter contre le au piratage des contenus (musique, films, logiciels, jeux,...) sur les réseaux P2P?
Face à cette interrogation de nombreuses sociétés voient le jour dans tous les pays, dont le business model repose sur le financement par la publicité du téléchargement de contenus gratuits, et je m'attarderai sur une d'entre elle : Airtist, société française basée à Montpellier.

Toute la musique présente est en format mp3 sans DRM, en gros, une fois téléchargé, le titre peut être lu sur tous les baladeurs, être transféré et gravé autant de fois que vous le souhaitez.
Le modèle de la plate forme ressemble à un mélange de réseau social (type Myspace) et de plate forme de distribution. Que vous soyez artistes ou particuliers, vous pouvez vous créer votre page, demander à d'autres personnes d'être vos ''amis'', laisser des commentaires, et, bien évidemment, acheter de la musique sur la page des artistes.
Mais là où Airtist va apporter une nouveauté, c'est qu'elle compte proposer le téléchargement gratuit en échange du visionnage d'une publicité dans les prochains mois. En gros vous cliquez, une pub apparaît en plein écran, vous lui donnez une note de satisfaction et l'artiste touche 0.12€.
Bien sûr vous pourrez également acheter les titres sans regarder la pub, en vous acquittant du prix, fixé par l'artiste.

Très intéressant, ce modèle n'en reste pas moins assez fragile, et ce pour plusieurs raisons :

1/ La motivation des annonceurs face à un CPM élevé

Les 0.12€ reversés proviennent du paiement par Airtist des droits SACEM (0.07€) plus 0.05€ au titre de royaltie. Quel sera donc le prix de vente aux annonceurs ? Il est envisageable de penser qu'il sera compris entre 0.16€ et 0.2€ ce qui représente un coût au contact très cher, comparé à d'autre sites et médias traditionnels. Par exemple le tarif le plus élevé pour une présence sur la homepage de Yahoo France coûte 0.05€, et la publicité sera vue par plus de 9 millions d'internautes (Source : CGV Yahho France).

2/ La motivation des labels

Aujourd'hui, Airtist, bien qu'elle ai noué des partenariats avec de gros labels indépendants (V2 label de Bloc Party, Anaïs, The Rakes...) s'adresse principalement aux autoproduits et petits indépendants. Son offre est donc limitée. Hors il lui sera dur de convaincre les majors d'adhérer à ce projet, celles-ci étant peu attirée par la mise à disposition de leurs contenus gratuitement, et surtout dans le format proposé : mp3 sans DRM.

3/ Les marges

Avec une marge comprise entre 0.04 et 0.08 (prenons donc 0.06€ comme moyenne), il faut en vendre du titre, et pour celà, il vaut mieux avoir du gros catalogue qui attire des gens. Car même avec 1 millions de téléchargements, le CA ne serait que de 60000€ HT.

4/ Opportunités

Le nerf de la guerre dans un tel modèle est l'offre. Afin de convaincre le maximum de labels importants, Airtist se doit d'offrir une audience supérieure aux 6 000 membres inscrits au bout d'un an d'exsitence.
Le lancement de l'offre gratuite dépend de la présence d'annonceurs, et comme vu précédemment, le coût par contact demeure très élevé pour ceux-ci. Mais en proposant des annonces ultra ciblées selon les profils des utilisateurs, en s'adressant à des annonceurs dont les budgets pub ne leur permettent pas d'être présents sur les grands médias, il y a fort à parier que certains se prêteront au jeu (d'ailleurs Airtist revendique d'ores et déjà plusieurs partenariats).
La seconde étape se jouera au niveau de la communication autour du lancement de l'offre gratuite. En étant la première à proposer ce système, et avec une bonne campagne de promotion de l'offre, l'audience augmentera très rapidement.
Plus d'audience => Plus de téléchargements : Airtist pourra alors se diriger vers des labels plus importants pour les convaincre de mettre leurs catalogues à disposition et donc améliorer son offre.
Meilleure offre => Plus d'audience => Plus d'annonceurs.

Le modèle repose donc sur un cercle vertueux, où un élément peut en déclencher d'autres, et ainsi permettre à Airtist de se développer et construire le premier succès du contenu musical gratuit financé par la publicité.

5/ Limites du modèle

- Le mélange communautaire - réseau social - plate forme de distribution :
Airtist, dans sa première phase de développement, et devant la complexité pour la mise en place du modèle gratuit (ils étaient venus me proposer ce concept lorsque j'étais Chef de Produit fin 2004!!), a voulu mêler différents genres afin de proposer une plate forme complète. Hors pour le côté réseau social, d'autres sites sont bien mieux ancrés, disposent d'une plus grande audience et d'une plus forte légitimité : myspace, last fm,...Il aurait donc été préférable de se concentrer sur le plus produit, à savoir le téléchargement gratuit, et de ne proposer uniquement que l'aspect ''plate forme de distribution'', tout en mettant à la disposition des artistes / labels inscrits, des outils de communication à implémenter sur leur page myspace ou leur site officiel.

- La fin du mode payant : bien que les artistes puissent choisir de mettre leurs titres en téléchargement gratuit ou payant, il y a fort à penser que les internautes priviligieront le mode gratuit, que le payant disparaitra ou deviendra marginal et que les marges baisseront.

Conclusion

Innovante, Airtist est la première à se lancer en France dans un tel projet, et il y a fort à parier que l'on entende parler d'eux dans les mois à venir. Cependant, bien que le modèle économique du contenu gratuit financé par la publicité soit inéluctable, de nombreuses barrières subsistent chez les producteurs de musique et particulièrement les majors :
- aucune volonté de voir la musique ''donnée'' sans protection technique type DRM,
- la rémunération trop faible par téléchargement.
On pourrait se dire que ce n'est pas grave, que les plate formes peuvent se passer des majors, c'est vrai (comme le montre le distributeur emusic.com, qui ne distribuent que des indépendants et qui est le deuxième distributeur aux USA) et faux en même temps, la présence d'un catalogue d'une major étant une garantie d'attirer des visiteurs sur son site.

1 commentaire:

Unknown a dit…

J'ai à peu près la même analyse... Airtist devrait se concentrer sur les majors si elle veut avoir ses chances
http://www.corvaisier.fr/2007/05/18/la-musique-gratuite-mais-a-quel-prix/